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Actualité : Perturbateurs endocriniens : la définition adoptée par l'Europe est très controversée 855


La Commission européenne a adopté, avec 4 ans de retard, la définition des perturbateurs endocriniens, pierre angulaire d’un cadre législatif pour ces substances aux effets nocifs sur la santé. Ce texte est qualifié d’incroyable "reculade" par les associations écologistes et d’"avancée considérable" par le ministre de l’Environnement  qui annonce dans le même temps plusieurs mesures nationales.


Sommaire
  1. La Commission adopte (enfin) une définition des perturbateurs endocriniens
  2. Cette définition controversée est-elle une avancée ou une reculade ?
  3. Le gouvernement annonce 9 mesures nationales

Perturbateurs endocriniens

Présents dans notre environnement, notre alimentation et dans certains médicaments, les perturbateurs endocriniens sont des substances polluantes issues de l’activité humaine qui peuvent avoir des effets nocifs sur la santé, notamment sur le système endocrinien. Isolément ou en association, ces substances sont suspectées de provoquer des altérations physiologiques ou métaboliques conduisant à des cancers, de l’obésité ou du diabète. Face à ces substances, l’Europe tarde à adopter un cadre législatif dont la première étape est la définition même de ce qu’est un perturbateur endocrinien.

La Commission adopte (enfin) une définition des perturbateurs endocriniens

Cette définition légale devait être formulée par la Commission avant la fin 2013 en s’appuyant sur des critères scientifiques. Au-delà du débat scientifique, l’influence des lobbies semble avoir pesé de tout leur poids pour retarder cette étape. Fin 2014, face à l’inaction de la Commission, la Suède saisit le tribunal de la Cour de Justice de l’Union européenne, qui condamne la Commission pour "manquement à ses obligations".

La bataille entre les tenants du principe de précaution et les partisans d’une version moins contraignante pour l’industrie n’avait pas permis jusqu’alors d’obtenir la majorité qualifiée des Etats membres. D’un côté, la France, le Danemark et la Suède jugeait le texte trop peu protecteur pour la santé publique et l’environnement. De l’autre, plusieurs pays avec pour chef de file l’Allemagne plaident en faveur d’une version moins contraignante pour l’industrie  Le 4 juillet, le revirement de la France a permis l’adoption des critères de définition des perturbateurs endocriniens utilisés dans les pesticides. Un épilogue présenté par les associations de défense de l’environnement comme une reculade et par les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture comme une avancée, qu’ils accompagnent de mesures nationales.

Cette définition controversée est-elle une avancée ou une reculade ?

Les ministères de l’Environnement, de la Santé et de l’Agriculture ont mis en avant les avancées de ce texte :

  • La définition adoptée concerne aussi les perturbateurs endocriniens "présumés" ;
  • L’application immédiate des nouveaux critères aux substances en cours de réévaluation au niveau communautaire ;
  • Le lancement d’une stratégie européenne prenant en compte toutes les expositions possibles, notamment dans les jouets, les cosmétiques et les emballages alimentaires ;
  • La mobilisation de 50 millions d’euros complémentaires en faveur de la recherche sur les effets des perturbateurs endocriniens, dès 2018 ;
  • La présentation rapide d’une évaluation de l’efficience de ces critères et de l’effet des exemptions introduites.

Mais ce sont notamment ces exemptions (non précisées dans le communiqué conjoint des trois ministères) qui sont très critiquées par les associations de défense de l’environnement. Leurs principales réserves sont que :

  • Les pesticides conçus pour perturber les systèmes endocriniens des insectes ciblés ne sont pas concernés par cette règlementation. Une exemption arrachée par l’Allemagne soucieuse de la bonne santé  de son industrie chimique. "Les scientifiques spécialistes des Perturbateurs endocriniens ont rappelé régulièrement que cette exemption ne repose sur aucun fondement scientifique sérieux car la proximité est grande entre les systèmes endocriniens de l’ensemble des espèces" précise le Réseau Santé Environnement.
  • Le niveau de preuves de dangerosité exigé par la commission pour un perturbateur endocrinien est inédit. Citée dans Le Monde, la ministre suédoise de l’environnement Karolina Skog déclare "Nous regrettons que la Commission n’ait pas écouté la grande inquiétude du Danemark, de la Suède et d’autres, soulignant que les critères proposés exigent, pour pouvoir identifier un perturbateur endocrinien, un niveau de preuve jamais exigé jusqu’à présent pour d’autres substances problématiques comme les cancérogènes, les mutagènes et les reprotoxiques. Cela ne reflète pas l’état actuel du savoir scientifique. Au total, ces critères ne remplissent pas le niveau de protection attendu par les co-législateurs".
  • Pas d’échelle graduée de risque "suspecté", "présumés" et "avérés" demandée par les scientifiques. Le modèle calqué sur celui de l’évaluation des produits cancérigènes retenue par l’Organisation mondiale de la santé n’est pas retenu dans la définition finale. Elle ne permettra pas d’adopter une législation graduée en fonction du niveau de preuve propre à chaque produit.

La députée européenne Michèle Rivasi dénonce "une reculade". L’ancienne ministre Corinne Lepage dénonce une définition "inacceptable" et "minimaliste".

Les lobbys de la chimie doivent sabler le champagne après le soutien de la France à la définition minimaliste des perturbateurs endocriniens

 

L’association Générations Futures regrette que la France permette "l’adoption de critères insuffisants pour protéger la santé humaine et l’environnement". Le réseau Santé Environnement juge que "la Commission Européenne continue de mener une bataille d’arrière-garde contre l’évidence scientifique". Les deux associations prennent cependant acte prend acte des 9 engagements des ministres de la transition écologique, de la santé et de l’agriculture de développer une politique ambitieuse à l’échelle nationale d’élimination des perturbateurs endocriniens.

Le gouvernement annonce 9 mesures nationales

Par ailleurs, Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, et Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation avancent 9 mesures nationales pour réduire l’exposition et les risques que liés aux perturbateurs endocriniens, améliorer la transparence sur les produits phytopharmaceutiques et biocides mis sur le marché français, renforcer l’information des consommateurs et augmenter les moyens de la recherche sur les perturbateurs endocriniens et leur substitution.

  • Mise en ligne avant le 14 juillet de la liste des produits pesticides contenant une substance identifiée comme perturbateur endocrinien par la Commission "afin que les citoyens, agriculteurs et professionnels puissent, en l’attente de l’entrée en vigueur concrète de l’exclusion européenne, orienter leurs choix d’achats".
  • Mise à disposition des agences sanitaires françaises des moyens permettant de mener des études indépendantes sur les substances chimiques à enjeux. Le principal enjeu est un souci de transparence : les études remises par les industriels étant "confidentielles" (protégées par le secret industriel), les critères justifiant les décisions sont totalement opaques.
  • Révision de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniensadoptée en 2014 suite à la remise d’un rapport d’évaluation.
  • La mise en place d’un étiquetage de la présence des perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques, les jouets et les emballages alimentaires sera étudiée
  • Lancement d’un site internet d’information sur les substances dangereuses et lancement d’une campagne de communication. Une journée nationale sera consacrée chaque année aux perturbateurs endocriniens.
  • Mise en place d’une plate-forme publique privée pour accélérer le déploiement de méthodes d’identification rapides des perturbateurs endocriniens
  • Un renforcement des moyens de la recherche sur les perturbateurs endocriniens, au niveau national (avec de nouveaux moyens dédiés en 2018  qui ne sont cependant pas précisés).
  • Une protection de possibles effets néfastes du bisphénol S pour assurer un niveau de protection équivalent à celui choisi pour le bisphénol A.
  • Un renforcement de la formation des professionnels de santé sur les perturbateurs endocriniens dans le cadre du développement professionnel continu (DPC). L’information des patients sur les perturbateurs endocriniens (femmes enceintes, parents, jeunes enfants, personnes souffrant de pathologies lourdes) sera améliorée, via les professionnels de santé. Le Gouvernement soutiendra la mise en place de conseillers médicaux en environnement intérieur, qui pourront aussi sensibiliser sur l’exposition aux produits chimiques dont les PE.

S’agissant des substances concernées par l’exemption (les pesticides), le ministre de l’Environnement précise que "dès lors que des préoccupations s’expriment, le Gouvernement s’engage à utiliser la procédure prévue par le droit européen permettant, sur la base d’analyses scientifiques et techniques menées au niveau national, d’interdire la mise sur le marché français de produits contenant ces substances ( ) Les ministres de la Transition écologique et solidaire, des Solidarités et de la Santé, et de l’Agriculture et de l’Alimentation, saisiront l’ANSES pour mener une évaluation des risques des produits les plus utilisés contenant ces substances. Les remises de rapports seront suivies dans le mois de travaux conjoints avec les industriels, les agriculteurs et la société civile pour apprécier la décision à prendre à la lumière de cette évaluation et conduire, le cas échéant, l’Etat à interdire certains produits au niveau national". Mais interdire sur le territoire national le recours ou l'importation de produits traités avec des certains pesticides pourrait ne pas être si faciles à mettre en Œuvre, car elles entraîneraient des distorsions de concurrence et des entraves à la circulation des marchandises au sein de l’Union européenne.

Au niveau européen, la grande saga n’est pas pour autant terminée, puisque le texte doit désormais être examiné dans les 4 mois par le Parlement, qui peut s’y opposer s’il recueille une majorité absolue à son encontre.

Ecrit par:  David Bême

 Créé le 05 juillet 2017

Sources :  Communiqué conjoint des ministères de l'Environnement, de l'Agriculture et de la Santé - juillet 2017

Communiqué de Générations futures  - juillet 2017

Communiqué de Réseau Santé Environnement  - juillet 2017

Le Monde du 4 juillet 2017

Photo : PDN/SIPA - Le ministre de l'Environnement Nicolas Hulot et le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert le 28 juin 2017 


SafetySafety Publié le : Mercredi 02 août 2017 @ 04:11:35