La prévention des accidents de pétroliers
La France, qui voit passer chaque année près de ses côtes environ 300 millions de tonnes d'hydrocarbures transportés par voie maritime, a vu son littoral gravement pollué à plusieurs reprises à la suite d'accidents de pétroliers : 100 000 tonnes en provenance du " Torrey Canyon " en 1967, 220 000 tonnes suite au naufrage de " l'Amoco Cadiz " en 1978, 7 000 tonnes après la rupture de la coque du " Tanio " en 1980. Après ces accidents, des dispositifs de séparation du trafic ont été mis en place en Manche et la France s'est dotée de remorqueurs de forte puissance prêts à intervenir à tout moment, constamment en état d'alerte à Brest et à Cherbourg.Le trafic maritime étant par nature international, c'est à ce niveau qu'il faut agir en premier lieu, au sein de l'instance compétente que constitue l'Organisation Maritime Internationale (OMI). La France a contribué activement à la mise en vigueur de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, dite Convention MARPOL, entrée en vigueur en 1983 et à ses amendements successifs.La Convention MARPOL a été efficace puisque, de 1981 à 1989, les déversements en mer d'hydrocarbures dus aux navires sont passés de 1,47 millions de tonnes à 570 000 tonnes, ne représentant plus que 12 % des rejets en mer, dont la majeure partie est d'origine tellurique. Pour ne citer que les évolutions récentes :
- les pétroliers neufs construits depuis le 6 juillet 1993 doivent être d'une conception plus " écologique " à double coque, ou à pont intermédiaire avec citernes latérales vides.
- depuis le 6 juillet 1995, les pétroliers existants doivent être retirés du service à l'âge de 25 ans s'ils n'ont pas d'espaces latéraux vides, ou 30 ans s'ils disposent de tels espaces conformément aux règles de 1983. De plus, et c'est là un point très important, ces pétroliers sont soumis, à compter de la même date, à des inspections renforcées par les sociétés de classification, dont les résultats doivent être à la disposition des inspecteurs de l'Etat du port, introduisant ainsi une transparence nouvelle.
- Suite à la catastrophe de l' ERIKA, de nouveaux amendements à la Convention MARPOL, visant à accélérer l'élimination des pétroliers à simple coque, ont été adoptés.
A la suite du naufrage du pétrolier ERIKA, en décembre 1999, le gouvernement a adressé le 15 février 2000 aux organisations internationales compétentes (Organisation maritime internationale, FIPOL et Union européenne), trois mémorandum qui développent une approche globale pour un renforcement de la sécurité maritime. L'approche française est fondée sur trois principes :
- la prévention : améliorer la surveillance des navires en étendant l'identification systématique des navires transportant des produits dangereux et en exigeant la transmission préalable d'un dossier de sécurité avant l'accès à un port européen.
- le renforcement des normes et des contrôles : accélérer l'élimination des pétroliers à simple coque, harmoniser les conditions de travail des équipages, renforcer le contrôle de la structure des navires et assurer un meilleur contrôle des organismes chargés de la sécurité : inspecteurs des Etats du port et du pavillon et sociétés de classification.
- plus de responsabilisation et de sanctions : accroître la transparence grâce à la mise en commun d'informations sur les navires sur la base de données EQUASIS, faire évoluer le dispositif du FIPOL (fonds international d'indemnisation des dommages dus à la pollution par hydrocarbures) et bannir les navires ne respectant pas les normes internationales.
L'action soutenue de la France, au niveau international, a permis d'engager rapidement des négociations avec nos partenaires et a fait prendre conscience de l'urgence d'un renforcement de la sécurité des transports maritimes.Suite au mémorandum français, la Commission européenne a présenté en février 2000 un " premier paquet " de mesures comprenant deux directives, l'une sur le renforcement des contrôles des sociétés de classification, l'autre sur le renforcement du contrôle des navires dans les ports, et un règlement prévoyant une accélération du calendrier d'élimination des pétroliers à simple coque. Lors du Conseil de décembre dernier, Madame de Palacio, commissaire européenne en charge des questions de transports, s'est félicitée de la finalisation de ce que l'on appelle communément le "paquet Erika I".Ainsi, moins de deux ans après, les propositions de la Commission qui se sont largement inspirées du mémorandum français, à savoir les textes relatifs au contrôle par l'Etat du port, aux sociétés de classification et à l'introduction accélérée des pétroliers double coque, ont été adoptés. Ils devraient être prochainement publiés au Journal officiel des Communautés européennes.Le 8 décembre 2000, la commission européenne a présenté un " deuxième paquet " de mesures constituées :
- d'un projet de règlement concernant l'institution d'un fonds d'indemnisation en cas de pollution par les hydrocarbures. Ce fonds européen viendra en complément des indemnisations prévues par le FIPOL et des mécanismes seront inclus dans le règlement incitant les opérateurs du transport pétrolier à prendre toutes les précautions pour éviter les accidents ;
- d'un projet de directive relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information du trafic maritime ; la France a largement contribué à ce projet et propose d'ores et déjà un modèle d'organisation des échanges d'information au moyen d'un système démonstrateur installé au CROSS de Jobourg (" Trafic 2000 ") ; c'est dans le cadre de ce projet que peuvent s'insérer les travaux en cours, initiés par le Ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur les restrictions de navigation que l'Etat côtier pourrait imposer en cas de gros temps ;
- d'un projet de règlement instaurant la création d'une agence pour la sécurité maritime ; cette structure nouvelle aura pour objectif d'harmoniser et d'améliorer l'application des règlements relatifs à la sécurité maritime. Les modalités de création sont actuellement en cours de discussion sous l'égide de la commission européenne.
Ces mesures, soutenues par la France, ont été largement discutées et amendées en groupe de travail depuis le début de l'année 2001. Certaines d'entre-elles ont fait l'objet d'un accord politique au conseil de décembre 2001 et seront soumises en deuxième lecture au Parlement européen.Décidé conjointement par la commission européenne et les autorités françaises, le site Internet Equasis a été lancé avec succès le 23 mai 2000 dans les locaux de l'OMI. Ce système d'information, collectant auprès de sources publiques et privées des données sur la sécurité des navires, a été conçu comme un outil permettant une meilleure sélection des navires et, donc, une réduction de l'utilisation des navires sous-normes.L'Organisation Maritime Internationale, pour ce qui la concerne, a répondu favorablement à la demande de la France de faire avancer rapidement ses propositions. Un certain nombre de mesures préconisées ont d'ores et déjà été adoptées :
- le nouveau chapitre V de la convention SOLAS, adopté à l'OMI en décembre 2000, prévoit l'obligation d'emport de transpondeurs selon un calendrier échelonné, suivant le type de navires, à partir du 1er juillet 2002.
- le signalement obligatoire au CROSS Jobourg des navires empruntant le dispositif de séparation du trafic des Casquets (Manche centrale) a été adopté en décembre 2000 et est entré en vigueur le 1er juillet 2001; il complète le dispositif existant déjà à Ouessant et dans le Pas-de-Calais.
- l'obligation d' un contrôle régulier en cale sèche, tous les 2 ans et demi, des pétroliers de plus de quinze ans a été adoptée en décembre 2000 et entrera en vigueur le 1er juillet 2002.
- La proposition d'élimination accélérée des pétroliers à simple coque, présentée à l'OMI par la France associée à l'Allemagne et à la Belgique, a abouti lors du comité de la protection du milieu marin (OMI) d'avril 2001 à une modification aux navires pétroliers.
Cette modification est appelée à être mise en vigueur au 1er septembre 2002 (conformément au règlement (CE) n° 417/2002 du 18/02/2002) et commencera à produire ses effets dès 2003.
Suite aux amendements apportés en décembre 2003 à la convention Marpol, qui entreront en vigueur le 05/04/2005, un règlement communautaire (règlement n°2172/2004 du 17/12/2004) modifie le règlement relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque qui repose sur les définitions et les normes énoncées dans la convention Marpol.
Les références à l'annexe I de la convention Marpol figurant dans le règlement (CE) n° 417/2002 sont mises à jour par suite de ces amendements »Le dispositif retenu conduit à faire sortir de flotte les navires pétroliers à simple coque les plus anciens construits avant 1982 et de fort tonnage (supérieur à 20 000 tonnes de port en lourd) selon un calendrier d'élimination qui prend fin en 2005 et d'organiser de manière similaire le retrait de ce même type de pétroliers, construits entre 1982 et 1996 avec une date finale d'élimination fixée en 2010.Sous réserve de contrôles renforcés menées par des sociétés spécialisées et sous la supervision expresse des administrations maritimes, certains de ces navires pourront être prolongés pour les 1er jusqu'à 2 ans, pour les 2nd jusqu'à 5 ans.Pour les navires de plus faibles tonnages pour lesquels aucun dispositif n'était jusqu'alors applicable, le calendrier limite leur durée d'exploitation à 2015 au plus tard.Ce dispositif s'applique de manière globale à l'ensemble des navires pétroliers de la flotte mondiale.Le plafond d'indemnisation du FIPOL a été porté de 1,2 à 1,8 milliards de francs par application du mécanisme interne à la convention ; une renégociation de cette dernière est envisagée pour aller au-delà et permettre l'indemnisation des dommages à l'environnement. Il est clair que les travaux de l'Union européenne sur l'indemnisation seront un motif d'avancées au niveau mondial.
Pour en savoir + :
Du point de vue de la réglementation relative à la sécurité des navires, elle est essentiellement basée sur l’arrêté du 23 novembre 1987 (en application du décret 84-810 du 30 août 1984) modifié par l’ arrêté du 30